La prévention des violences scolaires : les « cours de respect » à l’école, une réelle avancée ou simple opération de communication ?
En cette journée dédiée à la lutte contre les violences scolaires, examinons de près les fameux « cours de respect » que le gouvernement avait promis de généraliser à la rentrée 2024.
Après un test dans 1 000 établissements scolaires ;
les « cours de respect » devaient être instaurés dans toutes les écoles de France dès la rentrée 2024, selon le ministère de l’Éducation nationale. Mais cette initiative suscite la polémique. Les syndicats et les enseignants se demandent si cette mesure est une véritable avancée contre les violences à l’école ou, au contraire, une opération de communication sans réel impact.
Des premiers résultats encourageants, mais une généralisation contestée
Inspirée de programmes déjà en place dans certains pays nordiques, l’idée des cours de respect repose sur le développement des compétences psychosociales, telles que l’écoute et la compréhension de l’autre, pour réduire les tensions entre élèves. Selon une enquête du ministère menée entre janvier et mai 2024, 42 % des écoles ayant testé ce dispositif auraient observé une réduction des violences.
Pourtant, la mise en place de cette mesure dans toutes les écoles rencontre des obstacles. Le ministère avait annoncé dans sa circulaire de rentrée que chaque établissement devrait intégrer des moments de réflexion et de discussion autour du respect d’autrui. Cependant, aucune directive précise n’a été donnée sur le format et le contenu de ces cours, laissant chaque école libre d’organiser ces séances comme elle l’entend.
« Une initiative mal coordonnée », dénoncent les syndicats
Pour Claire Lemoine, porte-parole du syndicat enseignant SNE-FGAF, le manque de moyens et de formation rend la généralisation de ces cours de respect peu efficace. « Sans ressources pédagogiques et sans formation, ces cours risquent d’être perçus comme une formalité administrative de plus, sans impact réel pour les élèves », regrette-t-elle. « Il ne suffit pas d’ajouter un cours pour changer les comportements. Le respect, ça se travaille au quotidien, et il faut des moyens pour le faire. »
Selon elle, le véritable problème réside dans le manque de personnel éducatif pour encadrer et suivre les élèves. Elle rappelle que les enseignants et les surveillants sont déjà débordés et que le harcèlement se résout souvent grâce à des équipes spécialisées. « Ce dont les écoles ont vraiment besoin, c’est de plus d’infirmières, de psychologues, et d’une baisse du nombre d’élèves par classe pour permettre un suivi de chaque enfant. »
Des ressources pédagogiques, mais pas de formation généralisée
Pour aider les enseignants, le ministère a pourtant élaboré un guide de 50 pages avec des idées d’exercices et de jeux de rôle visant à sensibiliser les élèves au respect d’autrui. « C’est un bon début, mais ce n’est pas suffisant. Un document ne remplace pas une formation sur le terrain », précise Nicolas Durand, chercheur en sciences de l’éducation.
Ce guide a été conçu pour permettre aux enseignants d’adapter les activités à leur propre style pédagogique. Toutefois, certains d’entre eux estiment que la « liberté pédagogique » est une fausse bonne idée, car elle entraîne une application disparate selon les écoles et le niveau d’implication de chaque enseignant.
La formation des enseignants : le vrai enjeu ?
Pour le ministère, la priorité est d’accompagner les enseignants dans ce changement. Des formations complémentaires seraient envisagées pour 2025, mais cela reste encore à confirmer. Pour Nathalie Petit, professeur des écoles à Marseille, c’est la clé : « Pour que cela fonctionne, il faut que nous soyons formés en amont, et pas seulement à travers un document de consignes. »
Les experts, eux, insistent sur le besoin d’intégrer ces compétences de manière plus structurée dans le parcours éducatif. « Si on souhaite vraiment faire progresser les élèves en matière de respect et de vivre-ensemble, il est essentiel d’intégrer ces apprentissages dès la maternelle et de les poursuivre tout au long de la scolarité », rappelle Nicolas Durand.
Des annonces d’avenir, mais des doutes persistent
Dans une récente interview, la ministre de l’Éducation a annoncé que, dès 2026, les programmes scolaires incluront une dimension relationnelle et affective visant à développer le respect mutuel. Un projet ambitieux qui pourrait faire évoluer les pratiques en profondeur, à condition qu’il soit accompagné de moyens concrets.
Reste à voir si cette mesure deviendra réellement une solution pérenne contre les violences scolaires, ou si elle sera perçue comme un énième effet d’annonce sans réelle portée.